La Double Madone de Sainte-Marie-sur-Semois

De retour en Gaume après 30 ans d’exil, la Double-Madone constitue une œuvre sans doute unique au monde.

L’histoire commence au XIIIe siècle. Le village de Sainte-Marie (Etalle) comme son nom l’indique, était placé sous le patronage de la Vierge. Une statue du type « Sedes sapientiae» la représentait assise, l’Enfant Jésus sur les genoux, et se trouvait sans doute dans le lieu de culte où elle faisait l’objet d’une dévotion populaire.

La peste ! – Des villages décimés ! – Un miracle ?

Les siècles passent. Vient 1636 et la terrible épidémie de peste. Des villages entiers disparaissent. Sainte-Marie fut miraculeusement épargnée, de sorte qu’on en attribua la cause à la Sainte protectrice. Une nouvelle œuvre fut sculptée, plus dans le goût de l’époque. Il s’agit d’une Vierge Reine, « Reine des cieux » : une lune se trouve sous ses pieds.

Une démarche mystérieuse… La Sedes sapientiae devenait inutile. Mais quel raisonnement poursuivit-on alors ? Les paroissiens lui attribuaient-ils un pouvoir miraculeux ? Voulut-on interrompre une « profanation », c’est-à-dire une procédure consistant à démembrer puis à brûler un objet de culte pour le désacraliser. La solution sera inédite: la statue du XVIIe siècle est creusée pour y incorporer celle du XIIIe, créant ainsi une statue « gigogne ». La nouvelle statue devient ainsi « reliquaire ». On ferma la cavité. L’obscurité enveloppe l’objet sacré.

Quelques siècles passent encore… En 1906, l’abbé François souhaita re-décorer son église, reconstruite en 1867.  Reléguée, la Vierge passa de l’autel au grenier. Elle avait été enduite en blanc et toute trace de l’incorporation de l’autre statue avait été dissimulée, plongeant l’ensemble dans le mystère. Le secret est si impénétrable qu’en 1981, la patronne de Sainte-Marie est vendue comme une statue de plâtre et commence son exil, de Sainte-Marie à Habay, puis à Bruxelles, à Anvers et enfin en Hollande. Là, un antiquaire de Eindhoven, D. van Leeuwen, la nettoie, découvre la plaque et, à sa grande surprise, libère la statue-mère. C’était la « Vierge pauvre de Sainte-Marie », la voici désormais « Dubbele Madona ». Les deux objets aboutissent à la Fondation van Gerwen-Lemmens à Valkenswaard (NL). Dans ce musée privé, elle sera l’objet d’une curiosité insatiable. Des milliers de personnes la contemplent. Certains même en ressuscitent le culte et viennent la fleurir.

Une course contre la montre  Cependant, W. van Gerwen décède. La statue est mise en vente chez Sotheby’s en 2008. En Belgique, cependant, les biens d’église sont décrétés inaliénables. Avertie par des amis, la commune d’Etalle n’a que 24 heures pour faire opposition à la vente. La Vierge est mise sous séquestre. Mais la procédure languit, car la loi, en Hollande, est moins sévère. En 2009, le Musée gaumais est sollicité. Trois années seront nécessaires pour convaincre les « propriétaires » hollandais de sa restitution.

Enfin, en 2012 (75ème anniversaire du Musée), la « Vierge pauvre» est de retour chez elle, où l’on peut désormais l’admirer.

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